Tu ne connais pas la Greedflation ? C’est une technique marketing qui consiste à augmenter considérablement un prix pour le même service ou produit. Je vais essayer de t’expliquer pourquoi certaines marques l’utilisent.
As-tu parfois ce sentiment que « tout augmente » ? Alors ce n’est pas vrai pour tout bien sûr, mais il y a des produits et services pour lesquels c’est bel et bien le cas, et pas qu’un peu pour certains. Les justifications officielles sont nombreuses : on nous parle de crise de l’énergie, de problèmes de matières premières. Mais quand on regarde les profits records de certaines entreprises en parallèle, on sent bien qu’une autre vérité, moins avouable, se cache derrière.
Dans un article précédent, nous avons décortiqué la Premiumisation, cette stratégie qui nous pousse à monter en gamme et à louer nos vies. Aujourd’hui, on s’attaque à sa cousine encore plus brutale et cynique : la Greedflation, ou « l’inflation de la cupidité ».
Mon hébergeur, un cas d’école de Greedflation
Laisse-moi te raconter une histoire personnelle. Il y a peu, mon hébergeur web, un service essentiel pour que ce site existe, a changé ses tarifs. Mon abonnement est passé de 7€ HT à 16€ HT. Du jour au lendemain, pour un service quasi identique. C’est son droit.
Faisons un calcul simple. Pour maintenir son chiffre d’affaires, l’hébergeur n’a besoin de conserver que 44% de ses clients actuels (7 divisé par 16). Mais la magie, pour lui, est ailleurs : avec 56% de clients en moins, ses coûts (support technique, charge des serveurs, administration…) s’effondrent. Le résultat ? Une marge bénéficiaire qui explose.
L’objectif n’était pas de couvrir des coûts, mais de s’enrichir massivement sur le dos des clients restants. Et il aurait tort de s’en priver !
Greedflation, ou l’art de se cacher derrière l’inflation
Ce que j’ai vécu est un exemple de Greedflation. Ce n’est pas l’inflation classique où une entreprise augmente ses prix uniquement parce que ses propres coûts ont augmenté. C’est une inflation par les profits. C’est une stratégie qui profite du chaos et de l’anxiété générale (« tout augmente, c’est normal ») pour augmenter les prix bien au-delà du nécessaire, dans le seul but de maximiser les marges bénéficiaires. L’inflation devient le paravent parfait pour une cupidité décomplexée.
D’ailleurs, la Greedflation ne vient jamais seule. Elle fait partie d’une charmante famille de techniques pour te la faire à l’envers, un véritable arsenal de la mesquinerie marketing :
- La Shrinkflation (ou « réduflation ») : La plus connue. Le prix ne bouge pas, la taille de l’emballage ne bouge pas, mais la quantité diminue. C’est le fameux paquet de chips qui contient maintenant plus d’air que de pommes de terre.
- La Cheapflation : Le prix et la taille restent les mêmes, mais on change la recette en douce avec des ingrédients de moins bonne qualité. C’est ta glace préférée qui a soudain un goût de flotte.
- La Stretchflation : Plus subtile, elle dégrade le service. Un exemple : le prix de ton abonnement ne change pas, mais on t’impose des pubs que tu n’avais pas avant. Si tu ne veux pas, ton abonnement augmente.
Shrinkflation, Cheapflation, Stretchflation… des noms barbares pour une même logique : toujours plus de profits. Mais la Greedflation reste la reine de toutes, car elle ne se cache même pas : elle augmente le prix, tout simplement.
Le paquet de pâtes, le plein d’essence… des exemples au quotidien
Cette stratégie est partout, il suffit d’ouvrir l’œil. Dans ton supermarché, tu vois le prix de ton paquet de biscuits favori prendre 30%. On t’explique que c’est la faute à la « hausse des prix des matières premières« , mais en parallèle, le PDG du groupe agro-alimentaire annonce fièrement des profits records : étrange non ? On oublie juste de te dire que leurs marges ont doublé au passage, impactant directement ton pouvoir d’achat.
À la pompe, on te justifie la flambée des prix par une crise énergétique ou des conflits lointains. Mais on parle moins des « superprofits » des géants du secteur, qui se gavent sur le dos d’usagers captifs.
La limite du cynisme : Qui achètera demain ?
Cette stratégie est-elle viable ? On pourrait croire qu’en pressurant la classe moyenne au point de rendre des produits de base inaccessibles, ces entreprises scient la branche sur laquelle elles sont assises. Mais ce serait leur prêter une naïveté qu’elles n’ont pas.
La vraie question pour elles n’est pas « qui achètera demain ? », mais « jusqu’où le client solvable est-il prêt à payer aujourd’hui ?« .
L’objectif n’est pas de tout faire s’effondrer. C’est de tester la résistance du système, de voir jusqu’où le « prix d’acceptation psychologique » peut être poussé. Chaque fois qu’une nouvelle hausse de prix est « digérée » par le marché et devient la nouvelle norme, un nouveau plancher est créé. Et une fois ce plancher solidifié, rien n’empêche de recommencer le cycle, en laissant à chaque fois un peu plus de monde sur le bas-côté. Ce n’est pas une folie à long terme, c’est un écrémage continu et parfaitement calculé.
Conclusion : La Greedflation, c’est super, pour ceux qui vendent
La Greedflation n’est pas une fatalité économique, c’est un ensemble de décisions stratégiques prises par des entreprises en position de force. Se cacher derrière « l’inflation » est une excuse devenue trop facile. La première étape pour combattre ce phénomène est de savoir le reconnaître. D’arrêter de tout accepter comme une fatalité et de se poser la bonne question face à une hausse de prix : est-ce justifié par les coûts, ou par la cupidité ? Souvent, la réponse pique un peu.
Alors, que faire ?
La seule arme qui nous reste vraiment, c’est notre portefeuille. Quand tu décèles la Greedflation sur un produit non-essentiel, la sanction doit être immédiate : arrête de l’acheter.
C’est plus facile à dire qu’à faire pour le plein d’essence, j’en conviens. Mais pour tout le reste, c’est notre seul levier. C’est le seul langage que les actionnaires comprennent, celui qui peut, peut-être, les faire redescendre sur terre.




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