Face au flux quotidien toujours plus dense d’actualités, alimenté par les grands médias et saturé d’informations anxiogènes — insécurité, guerre, maladie, drames en boucle — j’ai voulu tester une détox digitale.
Certains saturent et parlent d’infobésité. D’autres, particulièrement empathiques, sombrent dans la tristesse face aux malheurs des uns ou des autres. Il y en a même, et sans doute ont-ils bien de la chance, que ça laisse de marbre.
Pour ma part, c’est le désarroi de voir toute cette haine ambiante. Et aussi la peine en voyant le malheur subi par des personnes, juste en conséquence de choix d’autres personnes, sans y être de fait ou concerné. Chaque nouvelle violente ou négative n’est pas une simple information, c’est une agression qui heurte directement mon moral. Et que dire des images qui accompagnent les mots ? Ces visages en larmes, ces bâtiments en ruines qui s’impriment sur ta rétine et tournent en boucle dans ton inconscient. C’est pire encore.
La colère monte, et à force de tourner à vide, se transforme en révolte. Cela finit par générer en moi une forme d’épuisement profond, une usure émotionnelle. Et ces sentiments sont devenus quasi quotidiens. Je suis en infoxication.
Alors, j’ai pris une décision radicale pour tenter de sauver mon esprit tourmenté. J’ai décidé de couper le robinet à informations à double tour pendant sept jours, pour voir ce que ça fait. Le carnet de bord qui suit est le bilan de cette cure de détox digitale.
Détox digitale : Les 3 étapes de ma semaine hors médias
Jours 1-2 : Le combat contre le « devoir de s’informer » :
Les premiers jours, ce n’est pas le « manque » qui se fait sentir. C’est le poids de la conscience. Cette petite voix intérieure, celle du citoyen qui se sent responsable : « Tu ne peux pas faire ça. Tu dois savoir. Des choses graves se passent, et toi, tu regardes tes pieds. » C’est un combat non pas contre l’addiction au flux, mais contre un sens du devoir profondément ancré.
Jours 3-5 : La libération de l’espace mental
Et puis, au bout de 48 heures, quelque chose bascule. Le silence extérieur commence à faire de l’ordre à l’intérieur. Ce serait mentir de dire qu’il n’y a pas eu de petites images ou pensées qui ont surgi, mais le matin, au réveil, mes premières pensées n’étaient plus polluées par le drame de la veille. L’espace mental qui se libère est considérable, et laisse tes pensées se tourner un peu plus vers toi et ton entourage.
J’ai redécouvert des plaisirs simples, mais entiers.
Un matin, j’ai ressorti un vieil album de The Clash et, pour la première fois depuis des lustres, je l’ai écouté. Sans qu’une partie de mon cerveau soit déjà en train d’anticiper la prochaine mauvaise nouvelle.
Certaines nuits, mon sommeil semblait être plus profond, peut-être de par l’absence des images choquantes que j’aurais vu la veille habituellement.
Jours 6-7 : La redécouverte de l’optimisme
Le calme n’était plus une simple absence de bruit, mais une présence. Une forme d’optimisme prudent a refait surface. La sensation d’être plus solide sur mes appuis, moins perméable à la négativité ambiante. Mon propre monde, le seul sur lequel j’ai un semblant de contrôle, allait mieux.
Le verdict de la Science : Pourquoi la détox digitale fait du bien ?
Mon expérience m’a fait du bien, c’est un fait. Mais je voulais savoir si ce n’était qu’une impression personnelle ou si mon ressenti était validé par des travaux plus sérieux. Alors, j’ai creusé un peu pour voir si ce n’était pas que « dans ma tête ». Et la réponse est claire : non, ce n’est pas juste une impression.
Le phénomène est bien réel et étudié. On parle d’infobésité ou de surcharge cognitive. Des penseurs comme Neil Postman ou, plus récemment, Byung-Chul Han avec sa « Société de la Fatigue« , ont analysé comment ce trop-plein d’informations finit par nous épuiser.
Le problème, ce n’est pas seulement la quantité, mais aussi la nature de ce qu’on absorbe. La surexposition aux nouvelles anxiogènes (guerres, crises, insécurité…) a des conséquences bien réelles, comme l’éco-anxiété ou une forme de traumatisme secondaire. On se sent impuissant, et on finit par développer une forme de résignation, un « à quoi bon » généralisé.
Même si l’infoxication n’est pas encore dans les manuels comme une maladie officielle, des professionnels de la santé mentale la reconnaissent comme un facteur aggravant pour des troubles bien connus : anxiété, insomnie, burn-out…
Souvent, c’est d’ailleurs un auto-diagnostic. Tu te rends compte que tu n’arrives plus à penser clairement, que tu es constamment dispersé ou à cran sans raison apparente ? C’est peut-être un symptôme.
Il y a aussi un autre phénomène qui entre en compte : le Doomscrolling.
Le “Doomscrolling”, c’est le fait de faire défiler (« scroll ») les nouvelles sur son téléphone de manière compulsive, en se concentrant presque exclusivement sur les contenus négatifs (« doom » signifie « funeste », « catastrophe »). C’est un comportement addictif qui maintient le cerveau dans un état d’alerte et de stress constant.
La « détox digitale », ça marche vraiment ?
Oui. Faire une pause volontaire du flux d’informations est une stratégie reconnue pour réduire le stress. Des études montrent que cela peut faire baisser le taux de cortisol (l’hormone du stress) et améliorer la capacité de concentration. Ce n’est pas une fuite, mais un acte de maintenance pour son cerveau.
Des psys et coachs proposent des pistes concrètes qui tournent autour de la Détox Digitale. L’idée principale est de reprendre le contrôle. Ça passe par des méthodes simples : limiter ses sources, choisir des créneaux fixes pour s’informer plutôt que de subir un flux continu, et privilégier le « slow media » (lire un article de fond, écouter un podcast) au lieu du « fast-food » de l’info en continu.
Il s’agit donc de redevenir acteur de sa consommation d’informations.
Le dilemme de l’ermite heureux : Le retour à la réalité
Le bilan au bout de sept jours est sans appel : ça fait du bien. Mais le dilemme revient au galop. Ai-je le droit d’aller bien en me coupant du malheur des autres ? Mon passé dans l’humanitaire me hurle que non. Ignorer la souffrance, c’est déjà une forme de complicité.
Alors, on fait quoi ? On choisit son camp ? La tour d’ivoire de l’ignorant bienheureux ou le marécage de l’empathique dépressif ?
Conclusion : Bâtir son hygiène informationnelle
L’expérience et ma conscience ne m’ont pas convaincu de devenir un ermite. Mais les recherches sur le sujet m’incitent à changer de posture.
A l’heure où nos téléphones nous poussent l’actualité en continu via les notifications et où le ‘scroll’ infini est devenu la norme pour ingurgiter l’info, il va falloir que je reprenne le contrôle de l’information. Ça commence par cette étape. Pour le bien de ma santé mentale.
Je sais que cet article part d’un constat personnel, et que peut-être tu n’es pas sensible à ce flux d’informations continu. Mais peut-être que certains ressentent cela et que ca leur donnera des pistes. Ou que simplement, ça informera sur ce sujet qu’est l’infobésité.



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